Ma peinture questionne notre rapport au monde. L’image crée un point de contact entre nos sens, notre esprit, et la matière du monde, qu’elle structure et met en forme pour nous la rendre intelligible. Dans mon travail, je m’inspire de symboles, d’images collectives porteuses de sens, de récits, de mythes. Ces images deviennent une sorte de grammaire qui me permet de mettre en discours le réel, en puisant à même le réservoir des discours collectifs. Je cartographie le monde pour en extraire les mythologies. C’est pourquoi les récits collectifs véhiculés par les médias ou la publicité m’intéressent tant. Je cherche à entrer dans les systèmes de symboles qui nous permettent d’entrer en contact – individuellement ou collectivement – avec la réalité, d’y découper du sens, de la penser.
Mon appartenance au territoire s’incarne dans ma peinture. Dans mes toiles, l’absence de perspective trouve son origine dans la lumière crue de Matagami, la ville de mon enfance. Je revendique mon appartenance nordique. Cette nordicité nourrit ma toile à même sa texture, ses couleurs, elle alimente aussi un imaginaire que je m’emploie à déplier. Cette quête s’est matérialisée il y a quelques années dans une série de toiles portant sur la toponymie algonquine de l’Abitibi-Témiscamingue. Là encore, j’ai cherché à explorer le sens porté par des mots algonquins encore en usage ou oubliés, qui portaient un savoir sur le lieu nommé.
Le territoire est à la fois intérieur et extérieur. La vie psychique se nourrit d’images, de métaphores qui s’inscrivent en nous dès nos premières années, dès que les premières histoires nous sont racontées. Toujours en quête des mythologies qui structurent la psyché humaine, j’explore aussi les récits de vie pour scruter les liens entre l’âme et le monde, entre le langage et le réel.
Martine Savard